Depuis 2009, le Burkina Faso a une « politique nationale genre », mise en œuvre par le Ministère de promotion de la femme, en concertation avec deux autres ministères. Une bonne démarche donc. Et une avancée dont de nombreux pays notamment européens ne peuvent pas se targuer.
L'introduction du document signée par « madame LE ministre de la promotion de la femme », m'a certes laissée perplexe, mais ce serait de la mauvaise foi que de s'arrêter là-dessus. Et puis est-ce bien étonnant ? Il n'y a pas beaucoup de pays dans lesquels le mot ministre est décliné au féminin. Soulignons au passage qu'il s'agit bien d'une femme ministre. Il y en a 5 sur les 34 ministres et ministres délégués que compte le gouvernement burkinabé. C'est mieux que rien.
Continuons notre lecture. Quelques passages du document de politique genre me laissent songeuse. Extrait :
« La complémentarité des rôles des hommes et des femmes dans le processus de développement et dans l’unité familiale est indispensable et constitue une condition sine qua non pour la solidarité et la paix sociale, base du développement. »
La politique genre du Burkina Faso est donc fondée sur l'analyse différentialiste, selon laquelle l'homme est par nature différent et complémentaire de la femme. Ce que la suite du document détaille largement :
« D’essence, l’homme et la femme sont des êtres qui se complètent mutuellement. Cette complémentarité est souvent perçue différemment, et très souvent supplantée par la domination d’un plus fort sur un plus faible. La complémentarité effective entre l’homme et la femme devrait être un tremplin pour une vie de famille épanouie et pour l’émergence d’unités économiques prospères. Ainsi la complémentarité doit se réaliser dans le respect de la différence : ce qui exige la recherche d’un consensus permanent. Dans l’approche genre, la recherche de ce consensus et du respect de l’autre doit toujours primer sur l’instinct de domination, source des inégalités et disparités dans la famille et dans la nation. »
Voilà qui peut sembler incongru dans une perspective de genre. L'approche genre vise justement à déconstruire l'idée d'une différence de nature entre les hommes et les femmes, puisque c'est cette idée qui justifie la domination des uns sur les autres.
Pourquoi le différentialisme a autant de succès ? Pour deux raisons. D'abord, parce que l'approche genre fait peur. En déconstruisant les rapports de pouvoir, on risquerait de les inverser, et de créer une domination féminine. On en vient à la deuxième raison : le concept de genre est compris partiellement. Le genre, ce n'est pas donner du pouvoir aux femmes, c'est permettre aux individus d'accéder au pouvoir indépendamment de leur sexe.
Homme ou femme, peut importe : ce qui compte, c'est la liberté de chacun. L'approche genre vise à donner toutes et tous les moyens de choisir en toute liberté. Choisir son activité professionnelle, choisir d'entrer en politique, choisir de se marier, ou pas, et avec qui, choisir sa sexualité. La voie du différentialisme ne mènera jamais à cette liberté.
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