vendredi 8 juin 2012

Le privé est politique, mais mon corps n’appartient pas à l’Etat

Les dernières semaines ont été agitées en matière de défense des droits du corps, et il semble que les politiques de tous pays s’approprient de travers le fameux slogan « le privé est politique ». 




 Turquie http://saynoabortionban.com/
En Turquie, le Premier Ministre Recep Tayyip Erdogan, comparant l’avortement à un crime, a annoncé sa volonté de restreindre l’accès à l’interruption volontaire de grossesse aux quatre premières semaines de grossesse. Ce qui équivaut à une interdiction de facto.

Aux Etats-Unis, la primaire républicaine a suscité un grotesque déferlement de propos conservateurs que les démocrates ont rapidement taxé de « guerre contre les femmes » (« war on women »).
Les politiques du corps, enjeux de campagne électorale, ce n’est malheureusement pas nouveau. 

40% de la population mondiale vit aujourd’hui dans des pays interdisant ou posant de fortes restrictions à l’avortement.

A côté de ça, 215 millions de femmes dans le monde déclarent un besoin en contraception non-satisfait. Ce qui signifie que 215 millions de femmes peuvent se trouver face au choix cornélien d’avoir un enfant non désiré ou d’avorter de manière illégale au risque de leur vie.

Et pourtant, ce sont bien 179 pays qui ont adopté en 1994 le Plan d’action du Caire consacrant leur engagement à  « employer tous les moyens à leur disposition pour défendre le principe de la liberté de choix en matière de planification familiale ».

Après l’euphorie des années 1994-1995 lorsque la communauté internationale consacra des avancées majeures en matière de droit à disposer de son corps, il y a sans aucun doute un retour de bâton ces dernières années, les enjeux économiques se joignant aux discours les plus conservateurs de ceux qui nient les droits des femmes sur leur propre corps.

En matière de politiques de développement, les droits sexuels et reproductifs sont encore et toujours délaissés au profit de programmes en faveur de « la santé de la mère et de l’enfant », plus consensuels et ô combien porteurs d’une vision normative du corps féminin.  Le regain d’intérêt récent des bailleurs de fonds pour la planification familiale n’est pas pour nous rassurer cependant. Car investir dans le planning familial, c’est comme investir dans les jeunes filles, c’est bien souvent de l’instrumentalisation pure et simple.

De la distribution à base communautaire de stérilets à la promotion de la stérilisation, les programmes de planning familial tendent à soutenir l’objectif économique – ou idéologique, de contrôle de la croissance démographique dans les pays en développement. Où sont passés les droits des femmes à choisir ce qu’elles souhaitent pour leur vie – et pour leur corps ?

Pour caricaturer, les bailleurs de fonds financent le planning familial dans les pays en développement, tandis que ce droit est retiré aux femmes des pays riches dont sont issus la plupart des mêmes bailleurs de fonds. L’idéologie et l’économie, ces bras armés de la décision politique, aboutissent à de belles aberrations dont les victimes sont les femmes, toutes les femmes. Je ne crois pas à la thèse de la « guerre contre les femmes ». Il s’agit simplement d’un calcul politique ou économique, dont le corps des femmes n’est que le terrain de jeu.

L’enjeu premier des prochains mois et années est donc le niveau de contrôle par les Etats du corps des femmes. 
manifestion pro-choix à Londres, GB, 9 juillet 2011

L’accès à la contraception, l’acceptation de l’avortement, la disponibilité de l’information sur la santé reproductive sont autant de variables de la liberté reproductive que les politiques publiques sont en mesure d’entraver ou de faciliter.

D’où l’urgence de replacer ces enjeux dans la sphère des droits humains.

Les droits sexuels et reproductifs, dont le droit à l’avortement, doivent être clairement reconnus au niveau international comme des droits humains fondamentaux et respectés en tant que tels.

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