Il n’est pratiquement pas un jour où les Nations Unies ne convoquent une réunion officielle. Conférences, forums, rencontres politiques au sommet laissent bien souvent l’amère impression que beaucoup de mots s’y brassent sans pour autant trouver les traductions concrètes et durables qu’ils avaient laissé espérer. Et en matière de droits des femmes et d’égalité femmes-hommes, malgré les engagements maintes fois répétés et les plans d’actions polymorphes, le bilan des Nations Unies est très mitigé. La déclaration finale de la Conférence de Rio sur le développement durable (Rio+20) en juin 2012 ne mentionne pas les droits reproductifs en raison de l’opposition des Etats membres conservateurs (dont le chef de file est le Saint Siège) alors que le Plan d’action de la Conférence du Caire sur la population et le développement en 1994 y faisait référence. Outre qu’il témoigne de l’engagement relativement mou et consensuel de l’ONU sur ces droits fondamentaux, ce texte rappelle aussi qu’à l’échelle internationale, elle est un baromètre de la situation en matière de droits des femmes. Et le niveau actuel est inquiétant.
Rares sont cependant les événements onusiens entièrement consacrés à la condition des femmes et à ce titre, on ne peut que saluer leur existence. La 57ème Commission sur le Statut des Femmes qui s’ouvre lundi à New York sur le thème des violences faites aux femmes doit, dans ce contexte, être un tournant pour l’action de l’ONU et de ses Etat membres en matière d’égalité femmes-hommes. L’enjeu est de taille car la 56ème commission, en mars 2012, avait pour la première fois abouti à un échec des négociateurs à adopter un texte de sortie commun à tous les Etats membres de l’ONU. Il l’est d’autant plus que les principales conclusions et propositions du texte de sortie seront reprises dans les négociations des Objectifs du Millénaire pour le développement pour l’après 2015. Ces objectifs détermineront pour les quinze prochaines années les contours de l’aide et des programmes de développement dont l’impact sur les femmes est majeur puisqu’elles représentent 2/3 des 1.4 milliards de personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté.
Des lignes d’action concrètes et pragmatiques doivent être adoptées en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. L’éradication des violences machistes, rouages essentiels des systèmes patriarcaux dont aucun pays n’est absout, est un combat majeur. Il nécessite d’initier des mesures contraignantes pour les pays qui tolèrent ces violences et de mettre des financements à disposition pour les associations féministes, notamment par le biais d’ONU femmes, l’agence pour les droits des femmes et l’égalité de genre. La faiblesse de cette agence, tant en termes de mandat que de ressources financières, est tout à fait dommageable. La France s’est engagée à contribuer à hauteur de 1 million d’euros par an à ONU Femmes, contre 360 millions d’euros par an au Fonds mondial de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme. La lutte contre les inégalités de genre, une priorité de la France ? En regard de ces chiffres, nous pouvons en douter.
Ce combat est aussi celui d’une lutte contre la persistance des systèmes patriarcaux qui légitiment les rapports de domination des hommes à l’égard des femmes, rarement remis en cause comme tels dans les arènes internationales. Considérer les violences faites aux femmes comme des violences machistes, à la fois causes et conséquences du patriarcat, c’est faire un grand pas en avant dans la lutte contre ce qui est socialement construit : l’inégalité de genre. Enfin, nous attendons également que la France, représentée pour la première fois depuis vingt sept ans par une ministre des Droits des femmes, se positionne fermement et œuvre activement pour faire avancer dans les textes comme dans les actes les droits sexuels et reproductifs qui garantissent aux femmes leur droit à disposer de leur corps.
Cette Commission sur le Statut des Femmes est une étape clé pour remettre la France au niveau qui devrait être le sien sur la scène internationale dans le combat pour l’égalité de genre et contre les violences machistes. Ce défi universel, plus que jamais d’actualité, ne saura s’affranchir d’un engagement fort. Pour dépasser le développement consensuel des dernières années et construire un avenir où le changement, pour les femmes, ne reste pas lettre morte.
Flora Geley et Charlotte Soulary, Osez Le Féminisme
Charlotte Soulary représente Osez Le Féminisme à la CSW. Vous pouvez la suivre sur twitter @lotcharlot
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